, ou avion-fusée
orbital non-piloté).
En pleine course à la Lune,
le projet Spiral fut suspendu, faute de moyens, en 1969. Des tests
limités reprirent au cours de la période 1976-78 avec une maquette
à l'échelle 1. En mai 1976, des tests de lancement et d'atterrissage
furent conduits. En novembre 1976, un premier largage dans les airs
eut lieu. Au total, cinq largages furent effectués, avant que Spiral
ne soit équipé de ses propres moteurs. L'avion spatial vola alors
cinq fois, aux mains de pilotes d'essais. Mais le projet fut définitivement
enterré après que l'avion fut endommagé au cours d'un vol d'essai
en septembre 1978.
LKS
En 1974, Valentin Glouchko
devenu responsable du programme spatial soviétique, annula le
programme de fusée N-1, puis celui des stations almaz. Sous la
pression des autorités, il reçut l'ordre de développer un système
de transport spatial à l'image de ce que préparaient les Américains.
Il proposa plusieurs études et, en fin de compte, un concept très
proche de la navette spatiale américaine fut enteriné en février
1976. Cependant, Tchelomei refusait de baisser les bras. Considérant
que l'approche de Glouchko était lourde, onéreuse et nécessitait le
développement de lanceurs qui n'existaient pas, il reprit ses études
d'avion spatial et, de 1975 à 1981, conçu un petit avion spatial, le
LKS (ou jet cosmique léger), destiné à être lancé par une fusée
Proton. D'un dessin similaire au projet Hermes qui devait apparaître
plus tard, le LKS, conçu en version habitée ou non-habitée, pouvait
emporter une charge utile de 4,5 tonnes. Son retour s'effectuerait en
planant à partir de 50 km d'altitude et l'avion se poserait à la
vitesse de 300 km/h.
Pour parvenir à ses fins,
Tchelomei contourna le Politburo, dont Glouchko était membre, et
s'adressa directement à Brejnev. Mais, il n'obtint pas gain de cause.
Il décida alors de se passer d'autorisation. Ses équipes mirent le
LKS en état de vol en moins d'un mois et Tchelomei persuada le secrétaire
du Comité Central du PCUS, le général Dimitri Oustinov, de venir l'expecter.
Tchelomei et Oustinov s'enfermèrent vingt minutes dans le cockpit du
LKS et le constructeur plaida sa cause. Mais l'affaire fit grand bruit
et Tchelomei fut convoqué au Ministère de la Construction Mécanique
et fut vertement réprimandé pour avoir dépensé plus de 140 000
roubles sur le projet sans la moindre autorisation.
Uragan
Au
milieu des années 80, le nouveau visage de la Guerre Froide, avec le
programme américain de Guerres des Etoiles, conduisit les Soviétiques
a ressusciter le projet Spiral. Ordre fut en effet donné de
construire un avion de combat spatial, baptisé Uragan
("Ouragan"), devant être lancé par une fusée Zenith.
Equipé d'un canon, il devait pouvoir abattre une navette spatiale ou
tout autre cible ! Plusieurs maquettes à échelle réduite furent préparées
pour des tests en vol. Elles ressemblaient fortement au dessin de
Spiral. Ces tests eurent effectivement lieu en juin 1982
(Cosmos-1374), mars 1983 (Cosmos-1517) et décembre 1984
(Cosmos-1614). Ces tests furent ultérieurement baptisés BOR-4. Mais,
à la suite du drame de Challenger, les Américians abandonnèrent les
missions militaires. La menace ayant disparu, Uragan fut simplement
abandonné.
Bourane
La construction de la navette
conçu par Glouchko fut entamée à la fin des années 70. Une longue
série de tests fut conduite avant le premier vol. Tout d'adord, six
maquettes à l'échelle 1/8 furent lancées en vols suborbitaux entre
1983 et 1988. Ces tests reçurent l'appellation BOR-5. La maquette
pesait 1,4 tonnes et vola à des vitesses atteignant mach 16. Six
maquettes à l'échelle 1 furent également réalisées. L'une d'entre
elles fut équipée de quatres moteurs (deux réacteurs et deux
ramjets) et utilisée pour tester les caractéristiques aérodynamique
et le profil d'atterrissage. Elle vola 25 fois entre novembre 1985 et
avril 1988, aux mains de pilotes d'essais spécialement recrutés pour
le programme.
Une
nouvelle fusée fut également conçue pour permettre le lancement de
Bourane. D'une conception radicalement différente, elle devait être
l'ultime et suprême réalisation de Glouchko. Appelée Energya, elle
avait recours au seul carburant que Glouchko avait juré ne jamais
utiliser et qui fut la cause de sa rupture avec Korolev et de l'échec
du programme lunaire, l'oxygène liquide. Energya était prête au
printemps 1987. Pour son premier vol, elle reçut une nouvelle charge
utile, Polyus ("Pôle"), prototype d'une nouvelle génération
de station orbitale pouvant être appélée à succéder à Mir. Le
tir inaugural eut lieu le 15 mai 1987 et fut parfait du point de vue
du lanceur. Seul Polyot, qui devait effectuer lui-même la manoeuvre
finale d'insertion sur orbite, ne put être correctement orienté au
moment de la mise à feu et fut précipité accidentellement dans l'Océan
Indien. Néanmoins, l'URSS disposait enfin de son lanceur lourd.
L'existence de Bourane fut
rendue publique en janvier 1988 et son lancement fut annoncé pour un
"futur proche". Les premières images furent produites en
septembre et, si la navette soviétique semblait posséder des
dimensions assez semblables à celles de son homologue américaine, la
différence principale résidait dans son système de propulsion.
Celui-ci ne servait aucunement au décollage, Bourane reposant alors
entièrement sur la fusée Energya, mais pour les manoeuvres orbitales
et l'atterrissage. Cette solution permettait d'embarquer une charge
utile plus importante et d'avoir plus de souplesse de vol au retour.
La
première tentative de lancement, le 26 octobre 1988, échoua à cause
d'un bras d'alimentation de la tour de lancement qui refusait de se rétracter.
Le 8 novembre suivant, l'ensemble Energya-Bourane fut ramené sur le
pas de tir et les opérations de lancement reprirent. Le remplissage
des réservoirs s'acheva tard dans la nuit du 14 et lancement
intervint à 3 h 00 le matin du 14. Il fallut huit minutes à Energya
pour placer Bourane sur une orbite provisoire à 160 km. Utilisant
ensuite ses propres moteurs, la navette finalisait une orbite à 260
km d'altitude. Au-dessus des îles Fidji, les contrôleurs au sol
activèrent les caméras embarquées pour filmer l'intérieur de la
cabine vide et, à travers les hublots, le bleu du Pacifique. A la fin
de la deuxième révolution, Bourane abaissa son orbite à 100 km. Les
rétro-fusées furent alors mises à feu et Bourane rentra au-dessus
de la Méditerrannée à mach 25. La navette effectua, toujours en
mode automatique, une série de virages destinés à la ralentir avant
l'approche finale de la piste de Baïkonour. Bourane toucha le sol à
plus de 300 km/h. Un parachute de freinage de 75 mètres carrés se déploya
et la navette s'immobilisa après 2 km de roulage.
La
mission, entièrement conduite en mode automatique, avait été un
triomphe. Energya avait fonctionné à merveille et seules cinq des
38000 tuiles de protection thermique s'étaient décollées. Pour les
officiels soviétiques, l'heure était à l'optimisme. Une deuxième
navette, Pchitka ("Petit Oiseau"), était en cours de
construction et l'on prévoyait déjà quatre à cinq missions par an
pour chacun des deux engins. Au programme de ces missions, des réparations
de satellites, l'acheminement de nouveaux modules de stations
orbitales et le retour d'équipement devenus inutiles.
Le 10 janvier 1989, Valentin
Glouchko disparût à l'age de 81 ans. Il ne vécut donc pas les désillusions
qui suivirent. Fondamentalement, Bourane manquait d'une véritable
raison d'être. Certes, le futur module Kristall du complexe orbital
Mir devait être équipé d'une pièce d'amarrage permettant
d'accueillir la navette, mais il n'y avait pas vraiment de missions ne
pouvant être réalisées par les lanceurs et vaisseaux
conventionnels. De 1989 à 1993, la date du premier vol habité ne
cessa d'être repoussée. L'équipement de la navette pour cette
mission (instruments de pilotage, système de support de vie, piles à
combustible, etc.) représentait de lourds investissements.
Finalement, en juin 1993, le Conseil des Constructeurs décida de
laisser le programme Energya-Bourane en suspens. Les fonds réunis
pour préparer le premier vol habité n'atteignait que 1 % du budget nécessaire
; il était donc ridicule de prétendre pouvoir continuer le
programme.
Deux navettes ont donc été
construites, Bourane et Pchitka, et remisées, ainsi que six
exemplaires complets du lanceur Energya. L'ensemble du programme a coûté
plus de 150 milliards de francs. De la douzaine de cosmonautes recrutés
spécialement, seuls deux (Anatoli Levtchenko et Igor Volk) volèrent
dans l'espace, à bord de la vénérable capsule Soyouz. Le pas de tir
Energya, laissé à l'abandon, a été reconquis par la nature. Ainsi
se sont achevées, quarante années d'études et de projets d'avions
orbitaux. Les Soviétiques pouvaient tout juste se consoler avec la
pensée qu'ils avaient réussi à concevoir et à faire voler une
navette pouvant rivaliser avec la navette américaine. Mais,
l'expertise, les compétences, la maîtrise développées dnas ce
domaine par les ingénieurs soviétiques et, aujourd'hui, russes,
pourraient bien servir de base à de nouveaux projets avancés pour le
XXIe siècle...